Page:Simon - L'écrin disparu, 1927.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
L’ÉCRIN DISPARU

Son père, sans doute l’aime et il aime son père ; mais une mère peut-elle se remplacer ? il n’aura pas pour l’auteur de ses jours, ces élans de tendre confiance qui le portaient à confier à sa mère ses joies puériles comme ses chagrins d’enfant. Et puis, privé de sa compagne chérie, Monsieur Raimbaud chercha trop souvent au club, la compagnie qui lui faisait défaut au foyer. D’un caractère froid et posé, il savait moins se mettre à la portée des enfants.

Rodolphe avait treize ans à la mort de sa mère. Une année encore, le père avait essayé de le maintenir au Collège, mais ses études n’avançaient pas, d’ailleurs son indiscipline s’accentuait chaque jour. C’est alors que Monsieur Raimbaud le fit entrer comme clerc, chez un notaire de ses amis, résidant au Carré Victoria. La liberté plus grande dont il jouit, la rencontre de camarades suspects, l’âge critique de la jeunesse, la surveillance trop molle du père, furent autant de causes qui accélérèrent la déroute de l’enfant.

Abandonnant la bride à un vice déjà naissant, Rodolphe pour alimenter ses excès, et d’ailleurs sollicité par des amis pervers, osa puiser impudemment dans la caisse paternelle. La première fois que Monsieur Raimbaud s’en aperçut, il y eut une scène terrible et Rodolphe pliant sous l’orage, crut que son père allait le chasser à tout jamais de sa présence. Mais une fois sa violence épuisée, ce faible père pardonna !… Et… Rodolphe, enhardi par l’impunité, renouvela ses larcins.

Il en était arrivé là de ses réminiscences, quand un douloureux soupir s’échappant de sa poitrine, il passa la main sur son front comme pour y chercher les traces manifestes de son déshonneur. Oui, il avait volé son père et souvent ; mais ce jour-là, il n’avait dérobé que ce joyau, dont la valeur ne dépassait pas $2000 dollars. Les autres, il les avait laissés dans l’écrin, et avait remis ce dernier à la place même où son père l’avait déposé. Et voilà que tout avait disparu !… ce devait être vrai, puisque son père l’avait dit ; et son père avait cru qu’il avait tout pris et ceux qui étaient là l’avaient cru, et tout le monde le croirait et il ne pouvait pas se défendre.

Oh ! comme ces souvenirs l’accablaient ; mieux informé, le père eût sans doute pardonné, cette fois encore, mais pour la dernière, car l’enfant était sincère dans son repentir, et il aurait changé, serait redevenu honnête, bon, affectueux, travailleur comme autrefois. Combien ses excès, ses vols lui faisaient horreur maintenant… comment avait-il pu en venir là ? Pourquoi avait-il oublié le souvenir de sa mère qui l’aimait si tendrement, qu’elle en serait morte de chagrin, si elle l’avait vu dans cet état.