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L’ÉCRIN DISPARU

La vie n’est qu’une lutte sauvage, âpre, féroce parfois ; il faut s’y frayer un chemin dans la mêlée et ici, comme toujours, il sera vrai de dire : « Malheur au vaincu ! » à celui qui tombe : il sera piétiné sans merci…

Lucie relevant la tête :

— C’est parce qu’on oublie Dieu, dit-elle.

Il parut piqué de ce doute, et ses yeux accentuant sa voix, il ajouta :

— Crois-tu que je n’aie pas foi en Dieu ?

Elle ne baissait pas les yeux ; mais du geste, atténuant un demi-sourire :

— Oui, je sais, murmura-t-elle ; mais, tu n’y crois pas comme il faudrait !…

Le mot, prononcé avec une singulière netteté, tomba comme un froid…

— Nous y voilà, prononça-t-il d’un ton un peu caustique : Me préférerais-tu matérialiste, niant l’autorité et fanatique ?

Lucie sourit mélancoliquement :

— Ne discutons plus sur ce point Léo. Je t’aime comme tu es, et puis crois-moi, il n’y a pas grand’chose qui nous sépare. Tu viendras à nous, parce que tu es droit et fier, et que les caractères de ta trempe, parviennent à la vérité suprême, qui n’est pas humaine.

Je connais tes aspirations, le noble but que tu rêves, et je sais que ta fierté naturelle méprisera toujours les voies basses et louches pour y parvenir. Mais ma joie et ma confiance seraient décuplées, si ta religion passait d’une foi purement spéculative, à une foi vraiment pratique.

Léo GIRALDI gardait au front un pli obstiné.

— Tel que tu me vois, dit-il, je n’ai jamais dévié du droit chemin.

— Je n’en ai jamais douté Léo, mais c’est ton plan, ton idée fixe, à laquelle tu ramènes tout, qui m’inquiète… En écoutant ton récit tout à l’heure, il me semblait que ta pensée s’hypnotisait sur un seul détail : l’argent !

GIRALDI ne s’en défendit pas.

— Pourquoi le nier, puisque tu sais comme moi, que c’est la seule question d’argent qui m’arrête ! Que peut-on faire sans lui ?

Pour moi, il n’est pas le but, mais un moyen… Ah ! ce n’est pas à la richesse que je songe, quand je m’absorbe dans mon rêve, quand je me crois vainqueur, triomphant, glorieux…

Lucie répondit en soupirant :