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L’ÉCRIN DISPARU

Quelques minutes encore. Lédia demeura immobile, le cœur bondissant dans sa poitrine ; la vue du chien surtout, l’avait affolée. Tomber comme Madeleine sous une balle de revolver, ne lui souriait nullement : mais être déchirée vivante par les crocs d’une bête furieuse, dépassait l’horreur des pires cauchemars.

Par un effort surhumain de volonté, elle reprit sa marche, le cou tendu, l’oreille au guet, se glissant d’un bouquet d’arbres à l’autre, restant le moins possible à découvert. Arrivée sous les hautes voûtes de la futaie tout enveloppées d’obscurité, elle eut l’impression d’échapper au péril et sentant se ranimer son ardeur, se mit à courir.

Un sentier sous bois, la conduisait vers la pièce d’eau. Parvenue à la lisière de la futaie, elle aurait, dans des conditions normales, été fascinée par l’éblouissement d’un ciel limpide où scintillaient les diamants stellaires, donnant à ce paysage nocturne l’enchantement d’un rêve.

Du milieu des petites vagues argentées qui déferlaient sur la rive, émergeait un îlot planté d’érables dont le feuillage puissant semblait chuchoter des choses mystérieuses, dès que la brise caressait leurs têtes superbes.

Lédia avançant sur la rive, dégagea promptement de son amarre un léger canot quelle gouverna dans la direction de l’îlot. Là-bas, à l’insu de tous, de bonne heure Harry s’était ménagé un refuge en cas de poursuite. En dessous de la cabane des canards de Barbarie, une sorte de caveau avait été creusé par lui et dissimulé aux yeux des passants, avec un art si consommé, que les agents de Police ayant plusieurs fois inspecté l’îlot, avaient marché sur la tombe du fugitif, sans que le moindre de leur soupçon fût mis en éveil.

Après avoir fixé son canot à l’un des arbustes bordant la petite île, la jeune femme s’avançait vers la hutte, quand un homme embusqué derrière un gros arbre, quitta son abri et dans la pénombre, vint au-devant d’elle.

— Je me suis bien fait attendre, dit Lédia d’un ton très bas.

— Oui, mais qu’importe donnant dans le panneau, vous voilà prise, répliqua l’homme d’une voix brève et dure…

Deux nuits auparavant, en effet, en faisant sa ronde nocturne, un agent de police avait cru apercevoir comme une forme blanchâtre s’avançant vers la résidence après avoir frôlé les taillis ; puis, dans la demi-obscurité, le fantôme s’était comme perdu en atteignant l’ombre.

Dans l’après-midi du lendemain, la disparition du chauffeur ayant été signalée, l’agent avait naturellement lié cet épisode