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L’ÉCRIN DISPARU

IV

EN FAMILLE.


Après une demi-heure de traitements assidus et énergiques, le Docteur était enfin parvenu à faire reprendre connaissance au moribond ; ce que voyant, Léo GIRALDI l’avait laissé converser avec le prêtre, et avait repris le tramway de la direction d’Outremont ; nul autre lien, d’ailleurs, que des relations de bon voisinage, ne l’attachait au mourant.

Il était près de onze heures du soir. La fraîcheur de la nuit, jointe au silence relatif de cette heure tardive, avait apaisé la nervosité du Dessinateur. En son esprit plus calme, il repassait les tragiques péripéties de cette soirée.

Bientôt, il fut en face de sa coquette et paisible demeure. À une fenêtre de l’étage, brillait encore de la lumière ; il pensa :

— Lucie m’attend.

C’était son épouse, qu’une union de douze années lui avait rendue de plus en plus chère, en dépit de certaines divergences d’idées, résultant de la diversité de leur race.

Dans le salon modeste, mais d’une propreté méticuleuse, Lucie, en effet, l’attendait. Grande et bien faite, le regard clair et franc, tout, dans sa physionomie, dénote une virile et sympathique distinction. Elle brodait à la clarté d’une lampe, dont l’abat-jour emplissait d’une teinte rose tout l’appartement.

Ce modeste, mais convenable logis, où tout brillait dans un ordre parfait, cet aimable visage d’une mère de trois enfants, donnaient, dès l’entrée, une impression de quiétude et de douce sérénité.

Léo s’assit près de sa compagne, dont le regard affectueux, mais inquiet, s’était attaché à lui.

— Comme tu es en retard ce soir, Léo !… déjà de noirs pressentiments commençaient à me trotter dans l’imagination… Que t’est-il donc advenu ?

Alors, posément, presque froidement, GIRALDI conta par le menu, tout le drame dont il venait d’être témoin. Elle l’écoutait émue, les yeux et les oreilles grands ouverts, buvant ses paroles, sa broderie tombée sur ses genoux.

— Pourtant, ajouta-t-elle rêveuse, quand il eut terminé, si vraiment Rodolphe n’a dérobé qu’une bague, comme il l’affirme, ne trouves-tu pas effrayante et injuste cette malédiction d’un père mourant ?…