Page:Simon - L'écrin disparu, 1927.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
L’ÉCRIN DISPARU

je me rapprochais de la résidence, espérant toujours qu’un coup de téléphone viendrait expliquer le retard inusité de l’enfant.

Vous avez su sans doute, n’est-ce pas Monsieur, ajouta Dupras en fixant son interlocuteur, comment après une soirée d’angoisses, le malheureux père partit pour Montréal à la recherche de son fils ?

La voix du pauvre interné était si altérée, que Parizot l’interrompit, pour lui laisser le temps de se remettre un peu.

— Oui, je sais que monsieur Giraldi n’eut pas besoin d’aller jusqu’à Montréal pour connaître la catastrophe ; que non loin de la station de Montréal-Ouest, il trouva le corps de son fils que des hommes d’équipe avaient relevé au bas du remblai de la voie ferrée. Chacun alors, avait supposé qu’il était tombé par accident de la plate-forme du wagon.

Ici, l’ancien Professeur de Jean sembla ne plus entendre ; accoudé au guéridon, le visage dans les mains, ses larmes coulaient brûlantes et silencieuses !…

— Ah ! ce que j’ai éprouvé en le revoyant, murmura-t-il !…

— Non, même après les angoisses de cette nuit affreuse, je n’étais pas encore préparé à cela.

Je l’ai toujours présent à l’esprit, ce visage livide, aux yeux grands ouverts ; quand je m’approchai pour lui dire un dernier adieu, il me sembla que ses yeux me fixaient comme pour me dire : « Toi qui sais la vérité, venge-moi. »

Alors, ma première impulsion avait été d’obéir et de crier au père de Jean ; « Cette femme, qui se tient auprès de vous, pleurant et baisant le front glacé de votre fils, c’est… l’assassin ! … Elle a été hier à Montréal, elle a rejoint Jean, lui proposant de le ramener ; il a accepté sans défiance, car il l’aimait lui, cette étrangère que d’autres à juste titre tenaient en suspicion. Docile et candide enfant, il a pris place dans l’auto, qui les a emportés, Dieu sait où ! mais dans un endroit éloigné, à la campagne, sous l’ombre d’un bois. Après une course traîtresse, la voiture s’est enfin arrêtée, le chauffeur descendu a ouvert la portière… puis… quels ordres avait-il reçus ?… quelle tragédie abominable, sans nom, eut lieu alors ?… l’imagination révoltée n’ose même pas y songer… »

Un véritable cri de terreur se fit entendre comme si le narrateur assistait réellement à l’horrible scène, dont sa sensibilité surexcitée, lui avait tant de fois rappelé le sinistre tableau.

— Le crime consommé, reprit-il haletant, ils sont remontés dans l’auto, sont venus jeter leur victime du haut du remblai.