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L’ÉCRIN DISPARU

Certes Madame Giraldi n’exagérait pas en redisant sur un ton animé, chaque détail de cette scène, à jamais gravée dans sa mémoire ; son imagination en était encore si frappée, qu’en racontant les aveux du jeune homme elle imitait, sans en avoir conscience, l’intonation, les gestes, le regard fixe, la voix assourdie, les doigts crispés dans le vide, enfin le dément qu’était Dupras.

— Ce n’est pas la justice qu’il eût fallu prévenir, reprit Madame Walfish ; le médecin lui était autrement nécessaire.

— C’est ce que nous avons fait ; le Vicomte, mon beau-fils, aidé de mon mari, a pu entraîner Dupras dans sa chambre, où il l’a veillé toute la nuit ; puis ce matin nous avons téléphoné au Docteur Smith de Montréal.

Répondant de suite à notre appel, une heure plus tard, il arrivait. Après le récit qui lui fut fait et après un examen attentif du patient, il a ordonné l’internement immédiat du malade, signant en hâte un certificat avec lequel le Vicomte, assisté d’un service d’ambulance, l’a conduit directement au Sanatorium de la Longue-Pointe. Oh ! il n’a fait aucune résistance : sa crise l’a laissé épuisé, anéanti.

— Après leur départ, acheva Lédia, mon mari est allé prendre un peu de repos ; quant à moi, je me sentais trop enfiévrée pour essayer de dormir ; ce matin, après déjeuner, je priai de me conduire chez vous. J’avais besoin de vous voir, de vous demander conseil !… Mon mari me disait naguère :

— « Que devons-nous faire, informer la police des aveux de Dupras, ou n’y attacher pas plus d’importance qu’aux dénégations d’un détraqué » ?

Je n’ai su que lui répondre. — Nous n’avons encore pris aucune résolution.

Sans hésiter, Madame Walfish se prononça pour la première alternative :

— Votre devoir est d’avertir le chef de Police : c’est à l’autorité à décider si tout est démence dans les paroles de Dupras, ou s’il dit la vérité.

— Mais, si par notre imprudente révélation, nous allions lancer les magistrats sur une fausse piste et déclencher peut-être une erreur judiciaire !…

— Êtes-vous bien sûrs d’avoir le choix ? Si le juge n’est pas renseigné par vous, il le sera par vos domestiques !

Madame Giraldi affirma que les domestiques ne savaient rien. Pensez donc, chère Amie, c’est mon beau-fils le Vicomte d’Aisy qui s’est astreint à veiller seul, cette nuit dans la chambre