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L’ÉCRIN DISPARU

— J’ai entendu dire à notre dernière visite à Pointe-Claire, reprit Georges, qu’étant au service de Lédia Waldorf, avant qu’elle fut mariée, il n’avait pas voulu la quitter, désirant lui continuer jusqu’à la mort, ses services dévoués.

— Mais cette demoiselle Lédia, qui est-elle ?

— Son père, paraît-il, était un ancien Colonel du Général Robert Lee et avait eu une armée sous ses ordres, durant la grande guerre du Nord contre le Sud. Mais ses opinions politiques et son fanatisme religieux lui attirèrent sa disgrâce. Il était alors séparé de sa femme ayant divorcé trois ans auparavant. Celle-ci vint au Canada avec sa fille ; au contact d’une famille canadienne française, avec la langue de Champlain, l’enfant apprit à connaître et à aimer la religion catholique qu’elle embrassa.

Demeuré aux États-Unis, le père se laissa inféoder à la secte ténébreuse des Ku-Klux-Klan et bien vite fut un de leurs adeptes les plus fanatiques ; faisant sienne leur doctrine néfaste, il avait concentré sa haine principalement contre le catholicisme.

Néanmoins, il ne pouvait se consoler de l’éloignement de sa fille qu’il aimait éperdument. Ayant su qu’elle était catholique il vint la rejoindre, mit sa belle fortune à sa disposition, dans l’espoir secret de lui faire abjurer sa foi. Aussi, grande fut son indignation quand il la vit épouser un catholique ; seule la perspective de la grande richesse de ce dernier, calma un peu son ressentiment.

— À voir l’affectueux intérêt et le dévouement qu’elle prodigue à son mari, on ne dirait pas que cette jeune américaine est fille d’un homme aussi sectaire, répliqua Lucien.


IV

MATINÉE.


Ce dimanche-là, le soleil était radieux, une tiède brise caressait le visage et dans l’azur d’un ciel serein, montait le gazouillis des nichées qui peuplaient les bosquets du Parc des Cyprès.

Arrivés de la veille, la Marquise de Sombernon et ses deux fils revenaient d’une promenade sur le lac St-Louis, en compagnie du Vicomte, lorsque soudain l’automobile de Parizot parut sur la rive entre deux bouquets d’arbres au feuillage puissant.

— Soyez le bienvenu, cher Monsieur, et si vous me le permettez, je vais monter à vos côtés et ensemble nous conduirons votre machine au garage.