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L’ÉCRIN DISPARU

la troisième fois, avec le corps de Jean, viennent de descendre le bonheur et la joie de la famille Giraldi ?

Les deux femmes cependant, étaient hors de cause. Madeleine avait passé la journée du crime aux côtés de son père, et ni lui ni elle n’avaient même franchi la clôture du Parc. La jeune Dame Giraldi avait été en automobile à Pointe à Fortune, à une réception donnée par Madame Clara Walfish, une compatriote de ses amies. Après y être restée au vu et au su de tous jusqu’à sept heures du soir, elle était rentrée directement au Parc des Cyprès. D’ailleurs, nous l’avons dit, le caractère de Jean lui plaisait et aucun bénéfice ne pouvait lui revenir de la mort du jeune homme.

Monsieur Giraldi cherche en vain à se défendre contre une horrible pensée : il craint que le Vicomte, son gendre, ne soit l’assassin… Dépouillé de ses richesses par suite de revers de fortune, n’est-ce pas surtout pour refaire celle-ci, qu’il est venu au Canada, qu’il s’est ingénié pour épouser une fille riche, avec l’espoir, secret sans doute, mais espoir quand même, de retourner ensuite au Pays natal, jouir du confort, de l’influence et de la considération dont son père avait été entouré ?

Le frère de Madeleine mort, celle-ci se trouvait l’unique héritière de l’Homme au million. N’y avait-il pas là une tentation fort spécieuse pour un noble, déchu du prestige de la fortune, et avait-il su y résister ?…

D’autre part, vu l’odieux d’un acte aussi bas que révoltant pour son honneur, le Vicomte n’aurait-il pas employé l’un de ses amis, Lucien ou Georges de Sombernon, auquel il aurait promis une forte rémunération ? Le fait de leur visite, au jour même du crime, n’était-il pas un signe révélateur, susceptible d’accréditer maintes suspicions ?

Quant au Professeur de dessin, A. Dupras, vu l’affection réciproque qui existait entre le maître et l’élève, difficilement monsieur Giraldi laissait planer un doute sur son honorabilité. À vrai dire, cet ancien bijoutier, était une personnalité assez étrange… D’une vive intelligence, de goûts artistiques extraordinaires, le jeune homme était passablement exalté et nerveux. D’une santé débile, son père était mort de consomption et sa mère atteinte de neurasthénie suivait un traitement dans une maison de santé…

Mais les connaissances du jeune maître et son talent prodigieux pour l’art ornemental, joints aux bons sentiments dont il avait fait preuve à travers ses originalités, et surtout l’affection