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L’ÉCRIN DISPARU

— Et le médecin, interrogea brièvement Monsieur GIRALDI ?

— Il vient de le quitter, répondît Dupras ; il n’a pas d’espoir ; d’après lui, Monsieur Raimbaud peut encore vivre un jour tout au plus. Dans une heure, nous a-t-il dit, je serai de retour.

Le prêtre s’est approché ; en fixant le malade, il songe à l’âme, qui sous ce visage défait, qu’encadre une chevelure déjà grisonnante, va bientôt s’envoler de sa prison !… Une immense pitié monte de son cœur, en considérant le triste destin qui s’achève là, sans un parent, sans un ami, au milieu d’étrangers. Il interrogea :

— Monsieur Raimbaud n’a donc aucun parent ici ?

L’employé fit un signe de tête négatif… non, personne sauf son fils.

— Et de ce fils, a-t-on des nouvelles ?

L’autre eut un geste évasif.

— On le cherche…

À ce moment même, la porte du magasin s’ouvre, des pas hésitants se font entendre, puis une face blême apparaît silencieuse dans l’encadrement de la porte :

C’est Rodolphe Raimbaud.

Grand et fort pour ses dix-sept ans, sa physionomie, en dépit de ses traits tirés, garde encore une expression belle et régulière.

On devine sa surprise à la vue du prêtre, de ce groupe de personnes inquiètes parlant à mi-voix ; la stupéfaction est à son comble, quand ses yeux tombent sur le lit où, étendu, immobile, son père gît comme mort déjà…

Tout à coup, dans le tragique silence, une voix se fait entendre, basse, tranquille et comme lointaine.

— Approche, Rodolphe, approche : je t’attendais. — C’était le moribond qui venait de parler. Il était demeuré sans mouvement et livide. Seules ses lèvres avaient remué.


III

SCÈNE TRAGIQUE.


Et Rodolphe Raimbaud s’avance comme en chancelant. Pour lui livrer passage, chacun s’écarte avec horreur. Il s’arrête au milieu de la pièce, les yeux hagards.