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L’ÉCRIN DISPARU

le souvenir faisait battre son jeune cœur d’émotions demeurées chères… puis, c’était Lédia, la remplaçante de la défunte, qui touchée des charmes naturels de l’enfant, non moins que de l’épanouissement de son âme sympathique, l’avait peu à peu habitué à répondre à ce même nom de fils. Dans cette condescendance, il cédait plus aux désirs de son père qu’à l’attrait personnel pour sa belle-mère. Mais les deuils successifs de son frère aîné et de sa mère, en l’atteignant dans ses plus chères affections, avaient laissé une empreinte profonde dans l’âme de l’adolescent et marqué son front d’un air sérieux assez rare à son âge, car l’enfant venait à peine d’entrer dans sa quinzième année.

Pour acquiescer aux désirs de son père, qui, bien que déçu par son aîné, n’avait pas cependant renoncé à ses projets, Jean avait repris le genre d’études, pour lequel son frère Gaston n’avait témoigné que fort peu d’enthousiasme.

À des aptitudes spéciales pour la mécanique et toutes les questions relatives à l’électricité, l’élève joignait un goût marqué pour les mathématiques.

L’année scolaire était close à l’École Technique, mais deux fois la semaine, durant les vacances, Jean venait en bicyclette, son sport favori, après l’automobile, recevoir de ses professeurs de musique, les leçons de piano et de violon qu’il affectionnait par-dessus toutes les autres.

La patience et la prudente réserve de Madeleine, non moins que ses ferventes prières avaient reçu leur récompense. Depuis peu, elle avait enfin rencontré l’objet de ses rêves et uni son sort à un jeune et brillant avocat de Montréal, le Vicomte d’Aisy. D’origine française, sa famille appartenait à la vieille noblesse de Bourgogne, lorsque de brusques revers de fortune la firent déchoir du rang élevé qu’elle avait tenu jusqu’alors.

À ce contre-temps se joignirent les tracasseries religieuses d’un gouvernement anti-clérical ; le jeune homme qui se destinait à la carrière militaire, était alors étudiant à l’école d’officiers de Saint-Cyr ; obligé d’opter entre sa foi et l’amour de sa patrie, il préféra briser son épée, renoncer à l’épaulette et suivre les siens sur la terre aussi chrétienne qu’hospitalière du Canada.

Monsieur Giraldi accueillit avec bonheur dans sa famille, ce nouvel ami, au physique distingué et sympathique et dont la haute culture lui promettait une compagnie des plus charmantes. Pour condescendre aux désirs de son beau-père, le Vicomte Louis d’Aisy fit sienne la résidence de son épouse. Les commodités de l’automobile réduisaient à moins de quinze minutes le temps