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L’ÉCRIN DISPARU

tienne, Madeleine s’efforçait de raviver l’énergie morale de son père, qui appréciait d’autant plus les rares mérites de sa chère compagne, qu’il était sur le point d’en être privé à tout jamais.

Le dénouement fatal arriva au matin du dixième jour de la maladie. Le désespoir de monsieur Giraldi fut indicible. Il sentit comme un léger mouvement de révolte bouillonner au fond de son être. Ce coup du sort, lui semblait d’une brutalité intolérable. De quoi donc lui servaient la gloire et la fortune, si elles ne le mettaient à l’abri, ni des assauts du chagrin, ni des traits de la mort. Comme le plus humble mortel, il était tributaire du deuil, de la maladie, de la souffrance sous ses formes infinies.

Vraiment sa situation, qu’un moment, il avait crue invulnérable aux coups du destin, ne lui avait pas donné le bonheur qu’il s’en était promis. Que lui était le chagrin causé par la retraite de Frère Rodolpho, à côté de ce désarroi moral qui l’atteignait jusqu’aux fibres les plus intimes de l’âme. Quelle perspective de joie lui restait sur cette terre ? Le sort, qui un temps l’avait favorisé, ne semblait-il pas vouloir lui reprendre un à un tous ses dons ?…

Son fils GASTON qui l’avait déçu dans ses projets, lui avait été ravi à la fleur de l’âge. Trop jeune encore pour comprendre, Jean était, après Madeleine, la dernière consolation de son cœur déjà tant de fois meurtri.

La plaie qu’y avait faite la mort de Lucie semblait inguérissable. La mélancolie qui l’assiégeait ne trouvait pas d’adoucissement. Pour suivre plus aisément le cours de son chagrin, il voulait être seul.

Allant parfois d’une chambre à l’autre dans sa demeure désolée, il tâchait de revivre, par le souvenir, les jours passés ensemble ; il écoutait la voix des choses, voulait toucher les objets dont s’était servie la défunte.

Souvent il restait accoudé à la fenêtre où elle se plaisait à broder et les yeux perdus dans le verdoyant panorama que le Mont-Royal étalait à ses regards, les entretiens qu’ils avaient eus alors, lui revenaient à la mémoire. Il entendait sa voix si douce et si claire le mettre en garde contre l’impétuosité de sa nature altière, contre le mirage de l’orgueil et de l’ambition et non sans amertume, se remémorait cette strophe que volontiers elle lui citait à l’appui de ses dires :