Dans les rites et la musique, pour ce qui est du fait d’adapter (la musique) aux instruments en métal et en pierre, et de la manifester par les sons et les notes, (et pour ce qui est du fait) de se servir (des rites) au temple ancestral et aux autels des dieux de la terre et des moissons, et de les appliquer aux sacrifices faits aux montagnes et aux cours d’eau, aux mânes et aux dieux, ce sont là choses qui se conforment au peuple[1].]
[Les (anciens) rois, lorsque leurs actions étaient accomplies, instituaient une musique ; lorsque leur gouvernement était assuré, ils réglementaient des rites[2]. Si leurs actions étaient grandes, leur musique était parfaite ; si leur gouvernement embrassait tout, leurs rites étaient excellents. La danse avec les boucliers et les haches n’est pas ce qui cause la musique parfaite ; les offrandes de viande cuite ne sont pas ce qui cause les rites excellents[3].
- ↑ D’après Tchang Cheou-tsie, nous retrouvons ici l’idée que les rites et la musique, tout en restant identiques à eux-mêmes dans leur essence, peuvent varier dans leurs formes et leurs manifestations extérieures suivant les époques.
- ↑ Les « actions » consistent essentiellement dans l’exercice du pouvoir royal ; le « gouvernement » consiste dans le fait d’instruire le peuple (ap. Tcheng K’ang-tch’eng).
- ↑ En d’autres termes, si la musique des Tcheou est parfaite, ce n’est pas parce qu’elle comporte une danse avec boucliers et haches, mais c’est parce que le roi Ou, qui l’institua, était un très bon roi ; et, de même, si les rites sont excellents, c’est parce qu’ils ont été réglementés par des princes dont le gouvernement était sage, et non à cause des offrandes que ces rites supposent. En d’autres termes, ce n’est pas l’organisation matérielle de la musique et des rites qui en fait la perfection ; toute leur excellence leur vient des qualités morales éminentes de ceux qui les instituèrent. Ce sens n’est pas cependant celui que proposent Tcheng K’ang-tch’eng et K’ong Yng-ta ; d’après ces commentateurs, l’auteur du traité sur la musique affirmerait ici que la musique et les rites des Tcheou étaient inférieurs à la musique et aux rites des cinq Empereurs de la haute antiquité ; la danse avec boucliers et lances instituée par le roi Ou ne valait pas la musique parfaite de l’empereur Choen, car cette dernière ne trahissait aucune préoccupation guerrière ; de même, les offrandes de viande cuite ne valaient pas les sacrifices plus anciens où l’on présentait aux esprits du sang et de la viande crue. Legge (Sacred Books of the East, vol. XXVIII, p. 102) adopte ce sens et donne la traduction suivante : « The dances with shields and axes did not belong to the most excellent music, nor did the sacrifices with cooked flesh mark the highest ceremonies. Cette interprétation peut s’appuyer sur une parole de Confucius ; on lit en effet dans le Luen yu (chap. III, § 25) : « Le maître disait du chao (c’est-à-dire de la musique de l’empereur Choen) qu’elle était parfaitement belle et en même temps parfaitement bonne ; il disait de (la musique du roi) Ou qu’elle était parfaitement belle, mais qu’elle n’était pas parfaitement bonne.