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intervenir de nouveau d’une manière active dans le sud. En l’an 113 avant notre ère, le roi de Nan Yue, Yng-ts’i, était mort ; son fils n’était qu’un enfant et ce fut sa femme qui exerça en réalité le pouvoir. La régente était une Chinoise que Yng-ts’i avait épousée au temps où il vivait comme otage à la cour des Han ; l’empereur profita de cette circonstance pour se créer des intelligences dans le Nan Yue ; la reine, qui était de moeurs assez légères, avait eu en Chine, avant son mariage, des relations avec un certain Ngan-kouo Chao-ki LXXXIII-1 ; ce fut cet homme même que l’empereur, avec une habileté tout orientale, choisit pour être son messager auprès d’elle. Ngan-kouo Chao-ki ne tarda pas à être de nouveau l’amant de la régente et il sut lui persuader de reconnaître la suzeraineté absolue de la Chine. Mais alors l’opinion publique s’émut dans le royaume de Nan Yue ; on s’indigna qu’une étrangère, séduite par un de ses compatriotes, fît bon marché de l’indépendance de la patrie. Le vieux conseiller Lu Kia fut l’interprète du sentiment populaire et s’éleva avec force contre les projets de la cour ; la reine tenta de le faire assassiner ; il échappa au guet-apens qu’elle avait préparé. Les Chinois envoyèrent, en l’an 112, deux mille hommes pour appuyer la régente. Alors Lu Kia se révolta ouvertement en publiant la proclamation suivante LXXXIII-2 :

« Le roi est jeune ; la régente est une Chinoise d’origine ; de plus, elle a un commerce illicite avec l’envoyé des Han ; son seul désir est de se soumettre à l’empire, de prendre tous les trésors de nos anciens rois et d’aller les offrir au Fils du ciel, afin de s’attirer ses bonnes grâces, d’emmener beaucoup de personnes à sa suite, et, arrivée à Tch’ang-ngau (la capitale des Han), de les retenir et de les vendre comme esclaves. Elle profite pour elle-même d’un avantage momentané et ne se préoccupe pas des dieux tutélaires de la famille Tchao pour faire des plans et des projets profitables à dix mille générations. »


LXXXIII-1. Mémoires historiques, chap. CXIII, p. 2 v°.

LXXXIII-2. Mémoires historiques, chap. CXIII, p. 3 r°.