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La lutte à outrance qu’avaient soutenue les Ta Yue-tche contre les Hiong-nou fut connue en Chine par les récits de quelques prisonniers turks. L’empereur Ou ne savait sans doute pas que les Ta Yue-tche avaient dû fuir jusqu’en Sogdiane et il les croyait encore établis dans la vallée de l’Ili lorsqu’il projeta de contracter une alliance avec eux contre l’ennemi commun. Il chargea de cette mission, prédestinée à l’insuccès, un certain Tchang K’ien. Tchang K’ien partit en l’an 138 avant J.-C, avec une escorte d’une centaine de personnes ; il sortit de Chine par la frontière du nord-ouest et fut presque aussitôt arrêté par les Hiong-nou qui l’envoyèrent au chen-yu Kiun-tch’en LXXI-1. Tchang K’ien feignit d’accepter de bonne grâce sa détention ; il se maria, eut des enfants et resta une dizaine d’années chez les barbares ; on cessa de le surveiller de près ; il en profita pour s’enfuir un beau jour avec ses compagnons. Se dirigeant vers l’ouest, il arriva d’abord dans le Ferganah, siège du royaume de Ta-yuan ; il y fut bien accueilli et le roi lui donna des guides qui le menèrent dans le pays de K’ang-kiu, au nord du Syr-daria ; aller de Ta-yuan dans le K’ang-kiu serait aujourd’hui passer de Kokand à Tachkend. Les gens de K’ang-kiu conduisirent Tchang K’ien dans le pays des Ta Yue-tche ; il dut donc franchir de nouveau le Syr-daria pour arriver dans les contrées situées entre ce fleuve et l’Amou-daria, à l’ouest du Ferganah. Parvenu au terme de son voyage, Tchang K’ien ne tarda pas à reconnaître qu’il n’en tirerait aucun avantage diplomatique ; les Ta Yue-tche se trouvaient bien dans leur nouvelle patrie ; ils avaient oublié leur haine mortelle contre les Hiong-nou ; ils ne se souciaient guère des Chinois, trop éloignés maintenant pour qu’une alliance avec eux fût profitable. Tchang K’ien passa un an (probablement l’année 128) chez les Ta Yue-tche et les suivit, peut-être dans une campagne qu’ils faisaient contre l’état de Ta-hia, jusqu’aux confins de ce royaume ; mais


LXXI-1. Le chen-yu Kiun-tch’en avait succédé en 161 avant J.-C. à son père, le chen-yu Lao-chang.