Page:Sima qian chavannes memoires historiques v1.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’ils souffraient de la disette, ils venaient faire des incursions sur le territoire chinois et opéraient des razzias dans les villages. On l’a remarqué avec justesse, le nomade est toujours une sorte de brigand aux yeux des populations sédentaires ; aussi les Hiong-nou sont-ils volontiers traités de voleurs par les historiens chinois qui les accusent de ne connaître ni les rites ni la justice. Comme les Arabes d’Afrique, ils fondaient subitement sur une région et y semaient la désolation et le carnage, puis ils s’évanouissaient aussi vite qu’ils étaient venus ; les lourdes armées chinoises qui se lançaient à leur poursuite faisaient souvent de longues marches dans le désert sans même parvenir à apercevoir leurs insaisissables ennemis.

Dans leur organisation familiale, les Hiong-nou étaient polygames. A la mort d’un homme, son fils épousait toutes ses femmes, à l’exception de celle qui était sa propre mère. De même, un fils devait épouser toutes les femmes de son frère mort. On retrouve cette coutume chez les Mongols de Gengis-Khan LXIV-1. Elle scandalisait fort les Chinois, car la forme sous laquelle un peuple conçoit le mariage ne manque jamais de lui paraître chose sacrée et inviolable.

Quand les Chinois entrèrent d’abord en contact avec eux, ces barbares n’avaient aucune écriture ; mais il faut croire qu’ils en inventèrent une plus tard, puisque Se-ma Ts’ien cite des lettres que leurs chefs envoyèrent aux empereurs. Le fait que l’historien nous donne, à quelques pages de distance, ces deux renseignements en apparence contradictoires prouve qu’il rapporte des traditions de dates diverses sans se mettre en peine de savoir comment elles peuvent s’accorder entre elles.

La religion des Hiong-nou semble avoir été fondée sur l’adoration des forces de la nature, tandis que celle des Chinois avait pour principe le culte des ancêtres.


LXIV-1. D’Ohsson, Histoire des Mongols, t. I, p. 14.