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avec lui pour boire et pour manger LIII-1, ce Li Chao-kiun qui promettait l’immortalité LIII-2, ces charlatans enfin qui racontaient monts et merveilles sur les îles enchantées qui sont au loin dans la mer LIII-3. Ce n’est pas d’ailleurs par esprit de vengeance que Se-ma Ts’ien lance ces sarcasmes, car nous savons qu’il termina le Traité sur les sacrifices fong et chan, en 99, c’est-à-dire un an avant sa condamnation LIII-4.

Cependant d’autres textes des Mémoires historiques paraissent être postérieurs au supplice que subit Se-ma Ts’ien et nous y entendons comme un écho de la tristesse qu’il en conçut. Le malheur qui assombrit toute la fin de sa vie ne fut pas sans exercer une influence profonde sur ses pensées. Il avait éprouvé pendant son procès toutes les humiliations et toutes les douleurs. Dans sa lettre à Jen Ngan LIII-5 il décrit l’abaissement qui se produit dans une âme fière quand elle a été longtemps outragée : « Comme le tigre féroce pris dans une trappe agite la queue pour demander à manger », ainsi les caractères les plus hautains finissent par succomber à la souffrance. Insulté et frappé tous les jours, l’homme sent se fondre peu à peu toute son énergie ; celui qui n’avait pas craint de tenir à l’empereur un langage qu’il savait lui déplaire, tremble maintenant en entendant marcher un valet de prison.

Après avoir enduré ces tortures morales et physiques, Se-ma Ts’ien fut aigri et désabusé. S’il avait été riche, il aurait pu échapper à la terrible sentence en rachetant sa peine à prix d’or ; sa pauvreté, tout autant que sa


LIII-1. Traité sur les sacrifices fong et chan , p. 73 de ma première traduction.

LIII-2. Ibid., p. 49.

LIII-3. Ibid., p. 77.

LIII-4. J’ai donc commis une erreur dans mon Introduction au Traité sur les sacrifices fong et chan , quand j’ai dit (p. 9) : « Se-ma Ts’ien nous montre ainsi sous des traits ridicules le despote cruel qui, dans un moment de colère, l’avait condamné au plus humiliant de tous les supplices. »

LIII-5. Voyez Appendice I.