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un cycle fermé et sans cesse renouvelé, prendrait l’origine de ce cycle comme point de départ et trouverait là, sinon un commencement absolu, du moins une certaine harmonie qui contente les besoins de l’entendement. De fait cette seconde idée est celle qui a longtemps agréé à l’esprit chinois ; le mythe du démiurge P’an Kou est d’une époque très postérieure à la théorie des cinq éléments et n’a jamais eu l’importance que lui ont attribuée les missionnaires, premiers pionniers de la sinologie.

Si l’accusation de taoïsme portée contre Se-ma Ts’ien est sans fondement, on lui a fait un reproche plus mérité quand on a dit qu’il avait écrit un livre satirique LII-1. Il est certain qu’on découvre dans son ouvrage de nombreuses attaques contre l’empereur Ou. Le chapitre des Mémoires historiques qui avait été primitivement consacré à ce souverain a été perdu LII-2 et c’est peut-être sa hardiesse même qui est cause de sa disparition. Mais dans le Traité sur les sacrifices fong et chan, on découvre plusieurs critiques voilées de la crédulité par laquelle le Fils du ciel se rend un objet de risée : l’historien flagelle tous les imposteurs qui jouissaient d’un grand crédit à la cour grâce aux fables qu’ils débitaient : tels étaient ce Kong-suen K’ing qui prétendait montrer les empreintes laissées par les pieds gigantesques d’êtres surnaturels LII-3, ce devin qui parlait au nom de la princesse des esprits et en qui l’empereur avait tant de confiance qu’il s’attablait seul


LII-1. Outre les textes que nous avons déjà cités de Wei Hong (p. XL) et du Livre des Han postérieurs (p. XLI, n. 5) on peut rappeler cette phrase d’un certain Li Fang-chou ( 李方叔 ) cite par Ma Toan-lin, Wen hien t’ong k’ao, chap. CXCI, p. 10 r°) : « Quand Se-ma Ts’ien écrivit ses Mémoires historiques, ce fut essentiellement pour critiquer les imperfections de l’empereur Ou, de la dynastie Han. »

LII-2. On verra plus loin que le chapitre sur l’empereur Ou n’est, dans les éditions actuelles, que la reproduction d’une partie du Traité sur les sacrifices fong et chan.

LII-3. Traité sur les sacrifices fong et chan, p. 73 de ma première traduction.