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même, si on laissait vivre Ts’ai Yong, il pourrait mal parler des personnes de son temps.

Le dernier document que nous ayons au sujet de Se-ma Ts’ien est une lettre XLII-1 qu'il écrivit en 91 avant J.-C, c’est-à-dire sept ans après avoir été fait eunuque. Les circonstances qui l’inspirèrent avaient une gravité toute particulière. A la fin du règne de l’empereur Ou, quand le souverain était vieux et malade, le bruit se répandit qu’on voulait attenter à sa vie par des incantations magiques et des envoûtements ; un certain Kiang Tch’ong profita de la créance qu’obtenaient ces rumeurs pour accuser le fils aîné de l’empereur, l’héritier présomptif Li XLII-2 ; muni de pleins pouvoirs, il vint fouiller les appartements du prince et y découvrit une statuette qu’il avait sans doute lui-même fait cacher au préalable dans l’endroit prétendu ensorcelé : il n’en fallut pas davantage pour convaincre du plus grand des forfaits l’héritier présomptif ; celui-ci dut chercher son salut dans la fuite ; il passa par le camp du nord que commandait un certain Jen Ngan et tenta de gagner cet officier à sa cause. Jen Ngan parut accepter ses ouvertures, mais ne fit aucun


XLII-1. On trouvera le texte de cette lettre dans le Ts’ien Han chou, chap. LXII, p. 9 et suiv. et dans le Wen siuen (voy. Wylie, Notes on Chinese literature, p. 192), chap. XLI. — Nous en avons donné la traduction dans l’Appendice I de cette Introduction.. — Quoique les critiques chinois n’aient fait aucune réserve sur l’authenticité de cette pièce, elle peut exciter quelques soupçons chez un esprit exigeant ; on y retrouve en effet un passage de la biographie de Li Ling et un passage de l’autobiographie de Se-ma Ts’ien ; la présence du premier texte ne prouverait à vrai dire pas grand’chose, car, cette lettre étant citée par l’Histoire des premiers Han, rien ne peut faire croire que la biographie de Li Ling lui soit antérieure et que ce ne soit pas au contraire le rédacteur de cette biographie qui a reproduit une partie de la lettre. Mais la présence du second passage est plus difficile à expliquer ; il faudrait admettre que Se-ma Ts’ien était un compilateur si invétéré qu’en écrivant à son ami il s’est copié lui-même. Cela n’est pas d’ailleurs absolument impossible et c’est pourquoi nous adoptons l’opinion admise en Chine que la lettre est authentique.

XLII-2. Ts’ien Han chou, chap. LXIII.