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devin[1] du pays de Wei de découvrir ceux qui le blâmeraient ; ceux qu’il dénonçait étaient aussitôt mis à mort ; les critiques furent rares, mais les seigneurs ne vinrent plus à la cour rendre leur hommage. La trente-quatrième année, le roi redoubla de sévérité ; les gens du royaume n’osaient plus parler ; ils se jetaient seulement un regard en passant leur chemin. Le roi Li s’en réjouit et dit au duc de Chao :

— J’ai supprimé toute critique, car on n’ose plus parler.

Le duc de Chao répondit :

— Vous avez fait un barrage. Mais retenir les bouches du peuple est plus difficile que de retenir les eaux. Lorsque les eaux sont arrêtées, elles débordent et les personnes qui en sont victimes sont en grand nombre. Il en est de même pour le peuple. C’est pourquoi, comme ceux qui s’occupent des eaux leur pratiquent des issues et les laissent s’écouler, ceux qui s’occupent du peuple le libèrent et le laissent parler. Aussi, le Fils du ciel, lorsqu’il gouverne, engage-t-il les fonctionnaires, depuis les ducs du palais[2] et les hauts fonctionnaires jusqu’aux divers officiers[3], à lui présenter les poésies, ceux qui n’ont pas d’yeux à lui présenter les pièces de musique[4],

  1. Les connaissances surnaturelles du devin lui permettaient de découvrir ceux qui parlaient mal du roi,
  2. Je traduis ici le mot [] par « duc du palais », parce qu’il désigne uniquement les trois grands personnages appelés « les trois ducs », et non les ducs de la hiérarchie féodale. Cf. note 03.208.
  3. Les divers officiers sont appelés « divers » parce qu’ils se distinguent en trois catégories.
  4. Le Kouo yu donne, au lieu du mot [], le mot [] et il faut alors traduire : ceux qui n’ont pas d’yeux présentent les chants. Sous les Tcheou, les aveugles étaient préposés à la musique (Tcheou li, trad. Biot, t. I, p. 405). On les divisait, suivant la nature de leur cécité, en trois classes : ceux qui n’avaient pas d’yeux étaient appelés kou ;ceux qui avaient conservé la prunelle de leurs yeux étaient appelés mong ; ceux qui avaient des yeux sans prunelles étaient appelés seou .