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ainsi. Les rois vos prédécesseurs rendaient éclatante leur vertu et ne faisaient point parade de leurs soldats. Aussi les rassemblements de soldats n’étaient-ils mis en mouvement qu’au moment voulu ; mais, lorsqu’ils étaient mis en mouvement, ils inspiraient la terreur tandis que lorsqu’on en fait parade, ils ne sont qu’un amusement ; or un amusement n’est pas redoutable. C’est pourquoi l’ode composée par le duc Wen[1], de Tcheou, dit  :

Oh ! rassemblez les boucliers et les lances ;
Oh ! mettez dans leurs étuis les arcs et les flèches.
Je recherche la belle vertu.
Pour déployer cette grandeur[2],
En vérité, moi le roi, je la préserverai[3] (c’est-à-dire la vertu).

«

  1. Le duc Wen est le titre posthume qu’on décerna à Tan, duc de Tcheou.
  2. Mot à mot : pour faire un déploiement dans cette grandeur.
  3. Cette ode est la huitième de la décade ts’ing miao ; trad. Legge, p. 577-578 [trad. Couvreur]. Elle offre cette particularité qu’elle n’est pas rimée.

    — Dans ma traduction, j’ai suivi les explications de Wang Yuen-soen (Kouo yu fa tcheng, chap. I, p. 2 v°) qui s’appuie sur un texte du Tso tchoan (12e année du duc Siuen, trad. Legge, p. 320). D’après le Tso tchoan, c’est le roi Ou qui parle et non le duc de Tcheou.

    — En second lieu, le mot hià est traduit par M. Legge comme signifiant ce grand pays, c’est-à-dire la Chine, et cette opinion est fort soutenable. — Cependant Wei Hong explique ce mot comme désignant un grand paragraphe d’une ode chantée ; en effet, on appelait kiòu hià les neuf paragraphes ou les neuf airs qui étaient en honneur au temps des Tcheou ; il faudrait alors traduire : Je recherche la belle vertu — et je l’expose dans cette ode.

    — Mais le texte précité du Tso tchoan semble bien prouver que hià est simplement l’équivalent de = grand, grandeur ; on y lit en effet :

    « être guerrier consiste à réprimer la cruauté, à rassembler les armes et à préserver la grandeur,

    et plus loin :

    « si on est cruel et qu’on ne rassemble pas (les armes), comment pourra-t-on préserver la grandeur ?

    — Quel que soit le sens qu’on donne à ces trois derniers vers, soit qu’on suive avec M. Legge l’explication traditionnelle, soit qu’on admette l’exactitude des observations de Wang Yuen-soen, la raison d’être de cette citation est évidente : elle prouve que le roi Ou, quelque guerrier qu’il fût, ne se plaisait pas aux combats et s’empressait de remettre dans les magasins ses armes, dès qu’il n’était plus pressé de s’en servir par une nécessité urgente.