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de loin le pays[1] de Chang. Le roi Ou étant arrivé à Tcheou[2], de toute la nuit ne se couchait pas. Le duc de Tcheou, Tan, tint donc ce langage au roi :

— Pourquoi ne vous couchez-vous pas ?

Le roi dit :

— Je vous l’expliquerai : il est de fait que le Cïel n’agréait pas les offrandes des Yn ; depuis le moment où moi, Fa, je n’étais pas encore né[3], jusqu’à aujourd’hui, pendant ces soixante années, des cerfs de grande taille ont apparu dans la banlieue, des vols d’oies sauvages remplissaient la campagne[4] ; le Ciel n’avait pas pour agréables les Yn et maintenant j’ai réussi. Mais, quand le Ciel a établi les Yn, il a élevé (en même temps) trois cent soixante hommes renommés ; c’est pourquoi les Yn n’avaient pas un grand éclat, mais n’étaient pas non plus chassés et

  1. Le mot est ici, comme cela arrive souvent dans ces anciens textes, le synonyme de [].
  2. D’après Tchang Cheou-kié, la capitale du roi Ou était dès ce moment la ville de Hao (aujourd’hui, sous-préfecture de Tch’ang-ngan, dans la cité préfecturale de Si-ngan, province de Chàn-si). La ville de Hao tirait son nom de l’étang de Hao ; cet étang fut agrandi et transformé par l’empereur Ou, de la dynastie Han, qui voulait exercer sur ses eaux des troupes aux combats navaux afin de combattre les tribus Koen-ming, dans la Chine méridionale ; à partir de ce moment, cet étang fut appelé l’étang Koen-ming.
  3. Il faut sans doute sous-entendre : mais où ma mère m’avait déjà conçu. — Cette phrase attribuerait au roi Ou soixante ans à l’époque où il vainquit Tcheou ; cette donnée est en désaccord complet avec les chronologies reçues qui estiment en général que le roi Ou avait quatre-vingt-quatre ans quand il prit le pouvoir.
  4. D’après Tchang Cheou-kié, les cerfs de grande taille dans la banlieue étaient un symbole que les courtisans et les flatteurs remplissaient la cour ; les oies sauvages dans la campagne (c’est-à-dire plus loin que la banlieue) étaient un symbole que les sages étaient chassés et exilés. Tchang Cheou-kié veut voir un sens analogue dans l’ode du Che king où les oies sauvages représentent les sages (7e ode de la décade T’ong kong ; trad. Legge, Chinese Classics, t. IV, p. 292-293 ; [trad. Couvreur]). Tcheng Hiuen dit : Les oies sauvages connaissent le yn et le yang et prévoient le chaud et le froid ; à ce point de vue, elles sont comparables aux hommes qui savent quels sont les méchants qu’il faut éviter et les bons auprès de qui il faut aller. — D’après Se-ma Tcheng, les deux mots (que nous avons traduits : des vols d’oies sauvages) désigneraient des moustiques dont les vols s’abattant sur la campagne étaient un présage de mauvais augure.