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du bien, c’est à vous de me corriger et de me résister ; ne me flattez pas en face pour me critiquer par derrière. Soyez sur vos gardes, vous mes ministres qui m’assistez des quatre côtés[1]. Quel que soit le nombre des sujets calomniateurs et pervers, si la vertu du souverain se répand avec sincérité, tous seront purs[2].

Yu dit :

— C’est vrai ; si l’empereur n’agit pas ainsi et s’il emploie indifféremment les bons et les mauvais, alors il n’y aura plus de réussite.

L’empereur dit[3] :

— Ne favorisez
  1. Plusieurs commentateurs se fondent sur un passage du grand commentaire de Fou Cheng, pour dire que cette expression désigne quatre catégories de ministres : § ceux de devant étaient appelés i = (celui qui propose ou supprime) le doute ; § ceux de derrière étaient appelés tch’eng = celui qui aide ; § ceux de gauche étaient appelés fou = celui qui seconde ; § ceux de droite étaient appelés pi = celui qui soutient.
  2. Le début seul de cette phrase se trouve dans le Chou king. Se-ma Ts’ien est ici plus obscur encore que le livre classique,
  3. Dans le Chou king, il n’y a pas la phrase « l’empereur dit... » et les paroles qui suivent se trouvent donc dans la bouche de Yu. — La leçon de Se-ma Ts’ien semble être la meilleure, car elle est confirmée par un texte de la monographie du roi Yuen de Tch’ou, dans le Ts’ien Han chou et par deux textes du Loen heng de Wang Tch’ong (H. T. K. K., chap. CCCXCI, p. 22 r° et v°). — Ajoutons que le Chou king ne présente plus ici aucun sens suivi, tandis que la rédaction de Se-ma Ts’ien est à la rigueur intelligible ; voici comment on peut, je crois, exposer l’enchainement des idées : Choen se propose de prendre Yu pour successeur ; Yu commence par montrer qu’il en est digne en rappelant ses travaux antérieurs ; il disserte ensuite sur les devoirs du souverain et fait voir ainsi qu’il en comprend l’importance ; Choen appelle son attention sur le soin extrême avec lequel il devra choisir les hommes dont il fera ses ministres, car ce sont les ministres qui font réussir le gouvernement. Yu approuve cette parole. Choen lui fait alors une dernière recommandation (c’est le passage où nous nous sommes arrêtés en ce moment) ; il craint que Yu ne transmette l’empire à son fils (le fils de Choen, Chang-kiun), quoiqu’il en soit indigne ; prenant Tan-tchou, fils de Yao, comme exemple, il engage Yu à ne point favoriser la mauvaise conduite d’hommes de cette sorte et à en user envers Chang-kiun comme lui-même, Choen, en a usé envers Tan-tchou. Yu répond en rappelant que dans toute sa vie passée, il a mis son devoir au-dessus de ses affections et a su distinguer entre les hommes de bien et les méchants. Choen le reconnaît alors capable de lui succéder.