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aurait par là-même une durée infinie. Faut-il entendre que les philosophes taoïstes promettaient à leurs adeptes l’immortalité de leur personne tout entière, corps et âme ? Ils l’ont fait certainement plus tard et c’est la raison pour laquelle ils se livrèrent avec tant d’ardeur à la recherche de la pierre philosophale. Mais ni Sema T’an, ni les premiers penseurs taoïstes ne paraissent avoir eu une telle idée ; selon eux, il est une partie de nous-mêmes sur laquelle nous avons un entier pouvoir, c’est notre âme ; en la vidant de tous les désirs, en en faisant un vase d’élection, un réceptacle que seul le Tao remplit, nous l’identifions avec ce principe suprême de l’être et nous participons de l’éternité ; le corps n’est plus alors ni un obstacle, ni un appui ; il sert encore de substratum à l’âme pendant la vie de ce monde ; mais, quand il vient à disparaître, le Tao qui se trouvait dans cette âme et qui en faisait l’essence continue à subsister et la mort n’est donc plus qu’un vain mot. Telle est la recette mystérieuse qui rend l’homme aussi immortel que le ciel et la terre.

La loi suprême de la morale prescrit donc à l’homme d’unifier son énergie, c’est-à-dire d’identifier toutes les forces de son être avec le Tao ; par ce moyen, il ne sera plus en conflit avec rien dans le monde, puisqu’il se conformera à l’harmonie universelle. Il pratiquera le non-agir, parce que son action, identique à celle de la nature elle-même, n’aura plus rien d’individuel. Il n’aura pas de règle apparente, en ce gens qu’il n’obéira pas à un code prédéterminé de rites et d’usages, mais il écoutera toujours une règle secrète qui sera de se plier aux circonstances et de suivre la nature. Il supprimera ainsi en lui l’effort et le désir ; il sera simple et vrai ; il se montrera bienfaisant en toute circonstance. La maxime morale se résume donc en deux mots : le vide ou le rien comme principe ; l’adaptation ou la conformité comme pratique. Ces formules sont obscures et leur concision même rend difficile d’en pénétrer toute la valeur ; mais lorsqu’on en a compris et senti la vérité, on se trouve aussitôt en possession d’une maxime applicable à tous les