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lieu, je ne puis faire admettre ma sincérité ni témoigner ma fidélité pour avoir le renom d’un homme d’excellent conseil et capable et pour m’attacher un souverain éclairé. Puis, je ne saurais réparer les oublis et corriger les omissions, appeler les sages et introduire les gens de mérite, mettre en lumière les hommes de valeur qui habitent dans les cavernes des montagnes. En outre, je ne puis me mettre dans les rangs de l’armée, attaquer des remparts ou livrer bataille dans la campagne, conquérir de la gloire en tuant un général ou en enlevant un étendard. Enfin je ne puis chaque jour ajouter mérite sur mérite pour remporter des charges honorables et des places élevées et devenir une gloire et un bienfait pour ma famille et mes amis. De ces quatre choses il n’en est pas une que je puisse accomplir. Je m’applique à vivre avec convenance et je m’arme de patience. On peut voir par là que je ne suis pas en position de décider du court et du long.

Autrefois, j’étais classé au rang des grands officiers de rang inférieur CCXXIX-1 ; n’étant qu’un fonctionnaire secondaire et en dehors de la cour, je donnais mon avis en dernier lieu. Je n’observai pas ce moment pour invoquer les grands principes et dire toute ma pensée CCXXIX-2. Maintenant, avec mon corps mutilé, je suis devenu un de ces valets qu’on charge du balayage ; je suis mis au nombre des hommes méprisables. Si donc je veux redresser la tête et lever les sourcils pour discuter et exposer ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ne serai-je pas dédaigné par la cour, ne serai-je pas honni par ceux de mes contemporains qui ont quelque valeur ? Hélas, hélas, un homme comme moi pourrait-il encore parler, pourrait-il encore parler ?

D’ailleurs mon histoire, depuis le commencement jusqu’à la fin, n’est pas aisée à comprendre. Pour moi, dès ma jeunesse, j’eus à souffrir de mon caractère impatient de toute règle ; lorsque je fus devenu grand, les gens de mon pays ne faisaient pas mon éloge. Le souverain me fut favorable à cause de mon père ; grâce à lui, mes faibles facultés reçurent un emploi ; dans toutes ses allées et venues, j’étais caché parmi son entourage. De même qu’un homme qui porte une cuvette sur la tête ne peut pas lever les yeux vers le ciel CCXXIX-3,


CCXXIX-1. . La charge de grand astrologue était payée 1000 che et celui qui l’occupait était donc au rang des ta fou de la troisième catégorie.

CCXXIX-2. C’est-à-dire je n’ai pas considéré que je ne devais parler qu’en dernier lieu, et, au moment de l’affaire de Li Ling, j’ai tenu un langage trop ferme et trop franc. ,

CCXXIX-3. Lever les yeux au ciel et avoir une cuvette sur la tête sont choses