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grande comme le monde éteint dont elle est le dernier reflet.

Enfin le mérite qu’on ne saurait dénier à Se-ma T’an et à Se-ma Ts’ien, c’est d’avoir les premiers conçu le plan d’une histoire générale. Jusqu’à eux, on n’avait eu que des chroniques locales ; après eux, il s’écoule deux siècles avant que Pan Kou embrasse dans un livre toute une dynastie, douze siècles avant que Se-ma Koang écrive des Annales d’ensemble. Si les Mémoires historiques n’existaient pas, notre connaissance de l’antiquité chinoise serait à tout jamais restée fragmentaire et incertaine. Il n’est guère possible de s’enthousiasmer pour Se-ma Ts’ien : collectionneur patient de vieux documents, il nous étonne par son érudition plus qu’il ne nous séduit par son génie ; mais son oeuvre est devenue grande par la grandeur de son sujet ; elle participe de l’intérêt immortel qui est inhérent à la jeunesse de la civilisation en Extrême-Orient et devient ainsi un monument pour l’éternité ατημα εις αεί. Suivant une comparaison chère aux écrivains de l’empire du Milieu, certains hommes ont une réputation durable pour avoir attaché leur destinée à celle d’un personnage illustre, comme le moucheron parcourt des espaces immenses en se posant sur la queue du coursier rapide ; c’est ainsi que le nom de Se-ma Ts’ien est devenu inséparable de celui du peuple chinois ; aussi longtemps que vivra la mémoire de cette nation quarante fois séculaire, aussi longtemps durera la gloire de Se-ma Ts’ien.