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fort petit nombre de lignes et qu’elles sont, en somme, une quantité presque négligeable. Eu égard à leur étendue et à leur ancienneté, les Mémoires historiques peuvent être regardés comme nous étant parvenus dans un remarquable état de conservation. Tite Live et Tacite, plus récents, présentent des lacunes bien plus regrettables.


SECONDE PARTIE

COMMENTATEURS ET CRITIQUES


Si c’est un sujet d’étonnement pour un Européen de constater que les Chinois, malgré les révolutions terribles qui ont bouleversé leur pays, ont su éviter les éclipses de la barbarie et se transmettre d’âge en âge un patrimoine intellectuel toujours intact, c’en est un plus grand peut-être de voir comment ces textes vieux de plusieurs siècles sont encore universellement étudiés et compris. Un lettré lit Se-ma Ts’ien avec plus de facilité que nous n’expliquons Rabelais ou Montaigne. La langue écrite, en effet, étant par ses origines idéographiques presque indépendante du langage parlé, n’en subit pas les modifications incessantes et possède une grande stabilité : elle est d’ailleurs une langue savante, puisqu’on ne peut l’apprendre que dans les livres ; aussi reste-t-elle sensiblement identique à ce qu’elle est chez les anciens auteurs qui passent pour en offrir les modèles parfaits. Telles sont les causes qui ont produit ce phénomène unique au monde d’une littérature à la fois aussi vieille que les plus vénérables et aussi vivante que les plus modernes.

Quoique les Mémoires historiques soient en général d’une intelligence assez aisée, ils contiennent cependant des difficultés qui tiennent à la nature même de l’œuvre : les institutions politiques et administratives ne sont plus aujourd’hui ce qu’elles étaient il y a deux mille ans ; les noms de lieu et les divisions géographiques ont changé ;