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vaste cycle de légendes, devient chez Sema Ts’ien un souverain ordinaire ; sous le prétexte d’être vrai, l’historien a dénaturé la tradition et le résultat auquel il arrive est plus faux encore que les exagérations de la fantaisie populaire, parce qu’il donne une apparence de réalité vulgaire à ce qui est par essence irréel et idéal.

En résumé, la critique de Se-ma Ts’ien s’inspire d’un rationalisme terre à terre et trahit une inaptitude complète à comprendre ce qui n’est pas rigoureusement conforme à ses habitudes de pensée : c’est pourquoi elle fait fausse route quand elle s’applique aux temps légendaires des cinq empereurs, des Hia et des Yn ; ce n’est pas Se-ma Ts’ien qui lèvera le voile derrière lequel sommeille l’enfance du peuple chinois. Cette réserve faite, il est juste de reconnaître que, pour les âges plus récents, Se-ma Ts’ien a su extraire de ses lectures la plus grande partie de la vérité historique qu’elles contenaient : aussi son oeuvre pourra-t-elle être complétée, mais elle restera la base de toutes les études qu’on tentera sur les règnes des Tcheou, des Ts’in et des premiers empereurs Han.

Tout en cherchant le vrai, Se-ma Ts’ien ne prétend jamais faire croire qu’il l’a trouvé quand il l’ignore ; c’est un auteur de bonne foi : s’il rencontre des traditions diverses et d’égale vraisemblance au sujet d’un même événement, il les rapporte et déclare qu’on ne peut décider entre elles. Par exemple, après avoir raconté l’entrevue de K’ong-tse et de Lao-tse, il dit CLXXXV-1 : « Cent vingt-neuf ans après la mort de K’ong-tse, les historiens rapportent que Tan, grand astrologue des Tcheou, vit le duc Hien de Ts’in et lui dit : « Au début, Ts’in a été uni avec Tcheou, puis ils se sont séparés ; quand la séparation aura duré cinq cents ans, ils se réuniront de nouveau ; la réunion durera soixante-dix ans, puis un roi qui s’imposera par la violence CLXXXV-2 apparaîtra. » — Les uns disent : Tan n’est autre que Lao-tse ; — les autres


CLXXXV-1. Mémoires historiques, chap. LXIII, p. 2 r°.

CLXXXV-2. Prédiction relative à T’sin Che-hoang-ti.