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personnages sont représentées. Mais les sentiments restent invisibles ; pas un mot qui trahisse l’émotion du chroniqueur. Ce n’est pas ainsi que Tacite eût raconté les horreurs de ces tragédies de palais ; il aurait fait une peinture sombre et terrible au lieu de la photographie merveilleusement nette d’ailleurs dont se contente l’écrivain chinois.

Quelle que soit la part qu’il faille faire à Se-ma Ts’ien lui-même dans la rédaction de ces récits, ce qu’il importe de constater, c’est qu’ils nous donnent toujours l’impression d’une scrupuleuse véracité. Quoique nous ignorions les noms des auteurs qui durent souvent servir à Se-ma Ts’ien pour la partie de son oeuvre postérieure à l’an 213 avant J.-C, nous sommes obligés de rendre justice à leur réel mérite. Bien qu’anonymes, ces sources sont au nombre des plus riches et des plus pures entre toutes celles qui sont venues affluer dans les Mémoires historiques.

Les écrits dont nous venons de passer la revue ont été mis à profit par Se-ma Ts’ien pour composer les Annales des empereurs et des familles princières. Mais ces annales ne sont en quelque sorte que la trame nécessaire sur laquelle vient se dessiner tout le tissu de l’histoire ; c’est l’individualité, c’est l’action qui donne la chair et le sang au squelette des faits. Se-ma Ts’ien en a eu conscience ; cependant, au lieu d’animer son récit en y faisant intervenir les hommes vrais avec leur caractère, leurs pensées et leurs passions, au lieu de dresser à nos yeux un tout organique où respire l’âme des siècles éteints, il a, fidèle au procédé de l’esprit chinois, superposé le second élément au premier, et, après la chronique, il a consacré une nouvelle section de son oeuvre aux biographies.

Les biographies ne commencent qu’à l’époque des Tcheou. En effet, les cinq empereurs et les dynasties Hia et Yu appartiennent plutôt à la préhistoire qu’à l’histoire ; les érudits ont tracé le schème de leur temps avec une méthode analogue à celle de la paléontologie : en rapprochant quelques débris épars, l’imagination a