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que s’arrête la chronologie précise, mais plus d’un siècle auparavant, à l’année 841. A partir de cette date les faits se déroulent devant nous en une longue chaîne où aucun anneau ne manque et qui se rattache sans solution de continuité aux temps modernes. La vraie grandeur de l’histoire chinoise n’est point dans la fabuleuse antiquité qu’on a voulu parfois lui attribuer ; elle est dans la clarté et la précision qu’elle ne cesse d’avoir, si on en remonte le cours, jusqu’au milieu du IXe siècle avant notre ère. De combien de peuples pourrait-on dire qu’ils ont écrit leur histoire, non pas la légendaire, mais la véridique, non pas quelque épisode célèbre de leur existence, mais la suite même de leur vie, jusqu’à une époque aussi reculée ? A l’âge où les autres nations ne se rappellent que quelques événements saillants entré lesquels la science moderne cherche à mettre un ordre par les indications que lui fournissent accidentellement les inscriptions, la Chine nous présente des annales détaillées où chaque année et presque chaque mois sont enregistrés avec une rigoureuse exactitude.

Le règne brutal et glorieux de Ts’in Che-hoang ti, le gouvernement incapable de son fils Eul-che-hoang-ti, la période de désordre qui suit l’effondrement de la dynastie Ts’in, les cent premières années des empereurs Han, tel est le sujet de la seconde moitié des Mémoires historiques. Dès le moment où nous abordons cette époque, nous reconnaissons que la nation chinoise a pris une entière conscience d’elle-même. Nous trouvons alors chez Se-ma Ts’ien cette richesse de détails infiniment variés, cette précision dans l’observation des faits qui resteront les qualités maîtresses de ses successeurs et qui feront des Annales de l’empire du Milieu prises dans leur ensemble le plus prodigieux monument historique qu’il y ait au monde. Sans doute, Se-ma Ts’ien reste encore ce qu’il était auparavant, un compilateur ; il reproduit des textes sans les modifier ; il ne digère pas ce qu’il lit ; mais on ne saurait méconnaître d’autre part qu’il est un compilateur singulièrement avisé dans le choix qu’il