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retrouve chez aucun autre peuple. Pour les historiens grecs, par exemple, le discours est un artifice littéraire qui sert à rompre la monotonie du récit et à résumer en quelques sentences profondes le caractère d’un homme ou la philosophie d’une situation. Il est le produit d’un art déjà raffiné. En Chine, au contraire, le discours précède la chronique et lorsque les annales font leur apparition, elles restent distinctes des discours qui en seraient cependant la vivante explication ; les deux genres restent parallèles et ne se confondent pas. A côté du Commentaire de Tso, nous avons le Kouo yu.

Les Chinois ont inventé pour rendre compte de cette singularité la théorie des historiens de gauche et des historiens de droite, qu’on trouve exposée pour la première fois dans le livre des Han antérieurs en ces termes: « Les historiens de gauche relataient les discours ; les historiens de droite relataient les faits ; les faits ont constitué le Tch’oen ts’ieou ; les discours ont constitué le Chang chou CLIV-1. » Les érudits chinois ont répété les uns après les autres cette explication qui pour bon nombre d’entre eux est devenu un article de foi CLIV-2.

Il est aisé cependant de voir qu’elle est insoutenable. On cite le Chou king comme un exemple des ouvrages écrits par les historiens de gauche, mais que faire des chapitres Yao tien, Choen tien, Yu kong, Hong fan et Kou ming qui ne sont pas uniquement des discours ? En second lieu, s’il est vrai que les discours occupent une place prédominante dans le Chou king, où est le livre qui aurait été écrit à la même époque par les historiens de droite et où ne se trouveraient que des récits ? Ce livre, contemporain du Chou king, n’existe pas et c’est la preuve que la distinction entre les discours et


CLIV-1. Ts’ien Han chou, chap. XXX, p. 7 v° : 左史記言右史記事事為春秋言為尚書。 .

CLIV-2. Quelques-uns cependant en ont montré l’inanité. Cf. Che t’ong t’ong che, chap. I, p. 4 r°, à l’explication de la phrase wei li pou tch’oen.