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Ainsi Se-ma Ts’ien, tout en connaissant le texte antique, se sert en règle générale du texte moderne du Chou king ; sa préférence est explicable si l’on considère que le texte moderne est plus aisément intelligible que le texte antique où les caractères archaïques abondent.

Par amour pour la clarté, Se-ma Ts’ien va plus loin encore et il se permet souvent de remplacer de sa propre autorité une expression difficile du Chou king par un équivalent ou une glose en langue vulgaire. Nous ne donnerons qu’un exemple de cette manière de procéder qui est on ne peut plus fréquente chez cet auteur. Dans le Choen tien du Chou king traditionnel, on lit : 納于大麓  ; Se-ma Ts’ien écrit : 入山林 CXXVII-1. Il remplace donc le mot 納 par le mot 入 qui est plus usité et il subtitue au mot 麓 les mots 山林 qui en sont l’explication ; le Dictionnaire Chouo wen dit en effet: 林 - 於山為麓 , « une forêt se rattachant à une montagne est ce qu’on appelle li. »

Après avoir montré l’usage que fait Se-ma Ts’ien des parties du Chou king qui se trouvaient simultanément dans le texte moderne et dans le texte antique, considérons les chapitres qui n’existaient que dans le texte antique. Nous sommes amenés à faire une constatation très importante : Aucun des chapitres qui constituent le texte antique du pseudo- K’ong-Ngan-kouo dans le Chou king traditionnel ne se retrouve dans les Mémoires Historiques. Cette remarque apporte une confirmation singulièrement forte à la théorie des critiques chinois les plus récents : Si Se-ma Ts’ien, qui cite plus de la moitié du texte moderne du Chou king, ne donne pas un seul des chapitres qui n’appartiennent qu’au texte antique, c’est qu’il ne connaissait pas ce texte antique, c’est que le texte antique du Chou king traditionnel n’existait pas à son époque.


CXXVII-1. Mémoires historiques, chap. i, p. 6 v° et Chou king de Legge, p. 32.