Page:Sima qian chavannes memoires historiques v1.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son lit de mort, nommer tuteur du jeune souverain, était un prisonnier de race turke ; il pouvait, à vrai dire, se réclamer d’une noble origine, étant fils de ce roi de Hieou-tch’ou que vainquit Houo K’iu-p’ing ; mais il n’en était pas moins un captif et par conséquent presque un esclave ; il remplissait l’office de palefrenier dans les écuries du palais quand l’empereur le remarqua et le fit venir auprès de lui XCII-1.

Cet éloignement voulu des hommes de grande naissance, cette faveur intentionnelle accordée aux gens de peu n’étaient pas sans exciter des mécontentements. Un certain Ki Ngan se fit remarquer par la hardiesse de son langage ; parlant à Tchang T’ang qui avait rédigé le code pénal et qui était le chef suprême de la justice, il lui reprocha de méconnaître les vrais principes du gouvernement et lui dit : « L’empire tout entier est d’avis que les clercs ne doivent pas être nommés aux hautes fonctions XCII-2. »

Malgré cette opposition de la part de quelques-uns, l’empereur Ou persista dans sa politique et fonda son autorité sur la base qui est restée celle de l’état chinois et qui en a fait la force jusqu’à nos jour ; il nomma aux fonctions ceux qui lui paraissaient le plus dignes, sans tenir compte de leur origine. Ce fut ainsi qu’il se trouva amené à encourager la doctrine des lettrés : le taoïsme, qui avait souvent prévalu auparavant, est une théorie éminemment aristocratique ; elle veut que le peuple reste dans l’ignorance, prétextant qu’il sera ainsi plus heureux ; elle prêche l’unité et la simplicité dans le gouvernement, ce qui revient à dire qu’il ne faut ni code de lois pénales, ni règlements administratifs, mais une autorité implicitement reconnue de tous qui décide les affaires par sa seule, présence prépondérante ; — les lettrés, au contraire, donnent à tout homme le (droit de participer à la direction de l’état dans la mesure où il a


XCII-1. Ts’ien Han chou, chap. LXVIII.

XCII-2. Mémoires historiques, chap. CXX, p. 2 r° : 天下謂刀筆史不可以為公卿 .