Page:Silvestre - Le Conte de l’Archer, 1883.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
Le Conte de l’Archer.

jugé et en tout contraire à la vérité que celui qui n’estime que les vins depuis longtemps oubliés dans les celliers. Le bon vin ne doit être bu ni trop tôt ni trop tard, mais à point, non pas dans sa crudité première, mais non plus dans sa sénile perfection. Car alors, pareil aux vieillards épuisés, il a perdu toute vertu virile et ne met plus dans nos veines qu’un sang tiède et sans généreuses colères. Il faut boire le vin, te dis-je, en son temps, et te méfier du proverbe menteur qui dit : jeune femme et vieux vin. Car le contraire serait plutôt vrai, pourvu que la femme n’eût pas toutefois plus de quarante ans et le vin moins de quatre.

Mais le temps fuit, mon Tristan, et la nuit vient. Regarde s’allumer, en même temps, au ciel et dans le village prochain de petites étoiles, comme si la nue, en se constellant, se contemplait dans le miroir brumeux d’un lac.

Aussi bien j’entends le couvre-feu qui sonne là-bas et les cloches qui disent adieu au jour dans une dernière volée. Il va falloir que je te quitte, et ce m’est une grande douleur, car il n’est personne en ce monde qui t’aime autant que moi.

Et, ce disant, le moine se leva, et, ouvrant ses deux larges bras que les manches du froc fai-