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Le Conte de l’Archer.

filles. Mais c’est un sujet où il ne m’est pas permis de te donner de conseils. Dame Nature et la compagnie de tes camarades suffiront à t’éduquer sur ce point.

Mais au moins puis-je l’engager à faire chère lie, chaque fois que tu en trouveras l’occasion ; car tu jeûneras bien assez en campagne, mon pauvret, et il te faudra souvent réparer le dommage fait à ton estomac par les journalières privations dont abonde ton métier. Or donc, quand quelque menue victoire te mettra en possession des biens et fortunes des vaincus, ne va pas remplir tes poches d’or ni te charger le dos d’un inutile butin. Votre vie, à vous autres, est trop précaire et constamment menacée pour l’empêcher de tels fardeaux et y introduire les fausses et cupides joies de l’avarice. Mais rue-toi en les cuisines et y commence à te réconforter vaillamment de tes fatigues par de beaux coups de dents. Choisis dans les basses-cours les volailles les plus dodues et les traverse du bout de la lance, si tu n’as pas d’autre broche sous la main ; les amenant, ainsi doctement empalées, devant un clair feu de sarment ; regarde-les se dorer en les arrosant de leur propre jus et non pas d’eau claire comme le font quelques maladroits. Tu m’en diras ensuite des nouvelles.