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Le Conte de l’Archer.

Fais ton devoir, mais rien de plus. Le ciel n’en demande davantage.

Imagine bien que la reconnaissance des rois est pure baliverne et qu’il n’y faut pas plus compter pour s’appuyer dessus, en marchant, que sur quelqu’un de ces bâtons creux qu’on cueille au bord de l’eau, lesquels ont belle apparence, mais se rompent sous le moindre poids. Et ce que je dis de la reconnaissance des rois ne l’est pas moins de celle des républiques. Car on vit toujours celles-ci méconnaître les services de leurs meilleurs citoyens, depuis l’Athénienne qui ne trouva rien de mieux à faire que d’exiler Aristide, pour ce qu’il était trop juste et trop intègre dans sa façon de vivre. On a même remarqué que, dans les républiques surtout, les supériorités étaient mal supportées, pour ce qu’il est de la nature de ce gouvernement d’être particulièrement soupçonneux, et ne se complaît à rien tant qu’à l’emploi de médiocrités bien certaines dont il n’a à craindre aucun acte intelligent et vigoureux. Aussi cultive-t-il volontiers la sottise comme une fleur précieuse d’où il n’attend ni ombrage ni fruit, mais dont il contemple l’épanouissement avec une béatitude bien grande, jusqu’à ce que vienne un tyran qui coupe la fleur