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Chroniques du Temps passé.

le nom de la France toujours vivante, toujours vaincue, mais toujours révoltée sous le genou du vainqueur.

Donc ils étaient loin ces temps de douloureux héroïsme, et le cœur même de la France ne battait plus, à Chinon, dans la blanche poitrine d’une noble fille. Mais leur spectre, pour ainsi parler, y demeurait sous la forme de ce château où une vieille reine trônait encore à sa façon, et quand le soleil se levait sur cette masse de pierre, lui qui de son char glorieux nous éclaire sans s’intéresser le moins du monde à notre histoire, devait-il penser que rien n’était changé.

En effet, comme autrefois, un archer veillait au seuil, son arbalète appuyée contre le roc, et les yeux perdus dans la campagne vide. Le cor sonnait ses appels mélancoliques aux sentinelles, et les ponts-levis ne s’abattaient devant les pas des rares visiteurs qu’avec un grand bruit de ferrailles rouillées.

Ainsi le voulait dame Marie d’Anjou, souveraine maîtresse en ces lieux et mère du très dévot roi Louis le Onzième. Mais au dedans de ce lourd édifice c’était bien autre chose en vérité.

Cette honnête dame qui, même au printemps de