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Le Conte de l’Archer.

pâle était rayé de cuivre, comme il arrive souvent aux jours les plus froids de l’année.

— Halte-là ! fit maître Guillaume, en s’arrêtant avec autorité.

Car lui n’était pas, je vous jure, le moins du monde pris par cette immortelle poésie des choses et ne songeait qu’à bombarder, le vilain homme.

Mathieu Clignebourde posa, en geignant, son fardeau sur une façon de taupinière que le tanneur lui désignait du bout de sa canne.

— Ce froid n’aurait qu’à me faire mal aux dents, observa frère Étienne.

Et, ce disant, le saint homme tira de dessous son froc une belle gourde qu’il y tenait cachée et qui ne le quittait jamais. L’élevant doucement de sa main droite, il la colla à ses lèvres lippues et en but deux larges gorgées, sans qu’une seule goutte en tombât sur sa barbe foisonnante.

Tristan, complètement hébété, suivait dans l’air un vol de corbeaux dont la file noire serpentait comme la corde d’un cerf-volant abandonné.

Maître Guillaume, sans perdre un instant son sang-froid, chargea la pièce avec méthode, y fit couler tour à tour une charge de poudre et un paquet d’étoupe qu’il y enfonça péniblement avec