Page:Silvestre - Le Conte de l’Archer, 1883.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
4
Chroniques du Temps passé.

n’empêchait de faire mille villenies et cruautés ! Mais il n’en eût pas fallu parler ainsi devant maître Guillaume Bignolet, tanneur de son état, lequel exerçait sa puante industrie dans la bonne ville de Chinon, non plus que devant sa femme Mathurine, une robuste commère aux cheveux flambants comme un feu de la Saint-Jean. Car tous deux aimaient fort ce prince cauteleux, pour ce qu’il abattait l’orgueil de la noblesse et encageait les cardinaux comme de simples dindons. Il les fallait entendre discourir sur les mérites de ce monarque, les soirs d’hiver, en mangeant des châtaignes qu’ils arrosaient de vin blanc de la contrée, lequel est bien le plus traître gaillard que je connaisse, et vous heurte la tête comme le maillet de fer dont on abat les bœufs.

En quoi ils étaient constamment contredits par le voisin Mathieu Clignebourde, lequel aimait fort médire du gouvernement, étant de ceux qui croient que les gouvernements ont été institués pour le bonheur des peuples et non des gouvernants.

Mais ce Mathieu Clignebourde avait l’humeur aigrie, non pas au moins de ce qu’il avait la douleur d’être veuf, mais, bien au contraire, de ce qu’il ne l’avait pas été assez tôt, ayant été cornifié comme pas un par dame Clignebourde ; et quand