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Chroniques du Temps passé.

vrai dire, à notre arrivée à Paris d’où je vous écris, souhaitant que vous partagiez la surprise de tout ce que nous y voyons et dont nos yeux sont encore écarquillés comme ceux des carpes qu’on vient de tirer hors de l’eau et de jeter sur l’herbe. Car celui qui ne connaît Paris ne sait rien. Imaginez une fourmilière humaine où se confond tout ce qu’il y a de meilleur avec tout ce qu’il y a de pire, grouillante, bourdonnante, clamante, un microcosme de passions s’excitant les unes les autres, un affolement de tous, un bouillonnement de cervelles dans les crânes, une mer dont les fureurs sont enfermées entre des récifs et dont les flux et reflux se heurtent en se croisant. Et l’on dirait que l’âme de tout un pays est là qui se débat dans une prison trop étroite….

— Heureusement que le Roi est là pour maintenir ce chaos ! interrompit maître Guillaume.

Le mendiant haussa doucement les épaules en engloutissant une énorme prune de reine-Claude.

« Or notre bon roi Louis étant, comme vous ne pouvez l’ignorer, absent de sa ville, occupé qu’il est à sortir, comme il le peut, des griffes du duc Charles auxquelles il laissera plus d’une plume de son aile….

— Plaît-il ? fit le tanneur. Vous ne railliez donc