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Chroniques du Temps passé.

cachette pour le placer juste en face du capitaine, il ajouta :

— Ce n’est pas comme ce gaillard-là !

Un immense éclat de rire retentit, et, de fait, le pauvre garçon faisait une si piteuse mine que le capitaine lui-même, après avoir froncé un instant le bouquet de poils gris qui servait de sourcil à son œil unique, ne put tenir son sérieux. Et, en effet, si pitoyable qu’on eût le cœur, c’était assurément un spectacle irrésistible que celui de ce grand benêt dont les deux jambes flageolaient à se cogner aux genoux, dont la poitrine haletait comme un soufflet de forge et dont les yeux écarquillés contemplaient stupidement un bout de langue démesurément tiré.

— Quel est ce singe vêtu en chrétien ? demanda le capitaine.

— Un mien neveu que son père a contraint à entrer malgré lui au service du Roi, et ce serait grand crime de le pendre, car je vous jure qu’il se faisait assez prier pour cela et n’était pas assurément brûlé du moindre zèle pour le service de Sa Majesté.

— Une corde ! une corde ! se mirent à crier quelques archers.

À ce cri inhumain, la langue de Tristan rentra