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nant le la vont reprendre leur céleste chant !

Et j’étais sincère en lui parlant ainsi. Elle le comprit. Car un regard de reconnaissance passa, immense, sous ses paupières, et me prenant les mains, avec une indicible émotion :

— Inutile de vous dire, ajouta-t-elle avec une tendresse infinie, que mon mari ne s’en est jamais aperçu !

Depuis ce temps, acheva Roubichou, notre bonheur n’a plus été complet que quand cet écho le proclamait aux invisibles esprits de l’air qui rôdent volontiers autour des amoureux, parce que ce sont de purs esprits extrêmement curieux et dépravés. Par cette puissance de l’habitude qui explique et justifie les plus bizarres caprices de la passion, cet accompagnement est devenu nécessaire à l’union complète de nos âmes. C’est au point que l’autre jour, notre ivresse ayant été muette, je fondis, comme un serin, en larmes, et je m’écriai :

— Ah ! marquise, vous ne m’aimez plus !

Elle me rassura et me prouva, un peu après, le contraire, par un paiement complet de son arriéré musical. J’étais fou de joie !