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avec une expression douloureuse qui me perça le cœur :

— Non ! non ! fit-elle. Vous êtes un vrai gentilhomme, Placide, mais ce n’est pas vous. Rappelez-vous, maintenant ce que je vous avais dit et pardonnez-moi la longue réserve qui m’était plus pénible encore qu’à vous. J’avais peur !… peur de moi-même. Car je me connais et je sais à quel point je me livre, à quel point je m’oublie en oubliant la terre. C’est plus fort que moi.

Et maintenant, vous connaissez mon terrible secret… de grâce, épargnez-moi votre mépris et vos sourires moqueurs…

— Ange des cieux, m’écriai-je, créature éthérée, zéphyréenne vertu, mais je t’aime cent fois plus encore. Me crois-tu donc plus insensible à la musique que les pierres qui obéissaient aux quintes diminuées d’Amphion et que les ours qui se pâmaient au moindre bécarre d’Orphée ! Seulement, aujourd’hui, je te connais toute entière. Fleur divine, après avoir enivré ma vue, tu m’as versé ton parfum ! Ô Lyre, dont j’admirais les cordes d’or, tu as enfin vibré pour moi ! Dieu soit loué. Les bienheureux qui ont mainte-