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Car il s’agissait de faire élire un homme absolument dévoué à la germanisation future, un atroce juif nommé Isaac Snob, dont la nomination aurait l’importance d’une profession de foi en l’honneur de l’annexion. Pour le conseiller Moulaër, ce n’était pas, d’ailleurs, un temps indifférent non plus. Car, tandis que M. Van den Truff allait bavarder dans les cabarets et faire de la propagande, lui, Moulaër, prenait d’excellentes lippées d’amour avec sa femme et s’en donnait à tire-larigo de ce que vous savez aussi bien que moi. Héloïse aussi aurait bien voulu que cela durât toujours, et, comme elle était dévote, elle faisait une neuvaine pour qu’il y eût ballottage et que tout fût à recommencer. Dieu ne pouvait manquer de l’ouïr favorablement pour la grande ardeur de ses prières et la sainteté de leur cause.

Cependant, le grand jour approchant, M. Van den Truff avait préparé son bulletin de vote avec un soin religieux. Sur un admirable petit morceau de papier de choix il avait inscrit le nom d’Isaac Snob et l’avait entouré d’une arabesque décorative, dont les quatre coins figuraient des casques prussiens et dont le tout composait un encadrement d’emblèmes