Page:Silvestre - Histoires belles et honnestes, 1883.djvu/246

Cette page n’a pas encore été corrigée

piqué avec une épingle en eût fait sortir plus de billevesées que de choses sublimes, et il était plutôt comparable à une outre gonflée de vent qu’à une amphore pleine de vin généreux. C’était néanmoins un pédant bourré de science tudesque ; aussi était-il, dans sa petite ville, l’agent le plus actif des ambitions germaniques de l’autre côté de la Meuse. Il ne jurait que par l’Allemagne et la destruction des races latines qui, à son avis, avaient fait leur temps par la nécessité d’un empire solide représentant l’œuvre de Charlemagne et par la prussification de toute l’Europe occidentale. Son cabinet de travail était tapissé de cartes où ces belles idées étaient graphiquement développées avec des encres de toutes les couleurs. Il ne laissait à la France que les provinces basques et lui annexait, par système de compensation, le val d’Andorre. Il faisait beau l’entendre discourir dans les brasseries sur ces nouveautés géographico-politique, dans une langue pâteuse, amphigourique, enflée d’Hégel et suffisant à expliquer son horreur pour la patrie de Diderot, de Montaigne et de Rabelais.

Tout cela ne l’empêchait pas, d’ailleurs, d’être formidablement cocu.

II