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amoureux. Maint seigneur qu’avait ruiné la rapacité royale, et de ceux-là mêmes dont elle avait aussi malmené la fortune, se fût estimé fort heureux de rattraper le tout en se mésalliant. Des fils de maisons princières vinrent faire leur cour. Mais Isabeau se dit qu’elle avait assez tâté de la noblesse et qu’il était temps d’imiter son souverain en donnant des marques de sympathie à la classe roturière d’où elle-même était sortie. Un pauvre archer qu’elle avait rencontré dans ses voyages interdomaniaux lui parut absolument son fait. Il n’était pas absolument beau, mais il était jeune ; il n’était pas précisément instruit comme un duc, mais il avait la gaieté des moineaux francs, au moins dans la causerie. Et c’est ainsi que l’archer Bignolet, qui n’avait pas un sou vaillant, se vit un beau matin, et après une pompeuse cérémonie, le légitime époux d’une « fort belle et honneste damoiselle » ayant gagné (mais non pas, comme le laboureur d’Holbein « à la sueur de son visage »), de quoi humilier bien des vertus. Car, s’il est vrai que de bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée, il faut convenir qu’on ne s’en aperçoit guère ici bas.

III