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Contes grassouillets.

dans une vague odeur de charcuterie et de gâteaux, sous une petite neige fine et brillante qui tombait comme du sucre râpé et obscurcissait la lueur des réverbères dans une buée de diamants. Les églises s’éclairaient et des feux multicolores incendiaient leurs vitraux, se répétant plus pâles sur les murs des maisons voisines. Les étudiants et les jeunes officiers attendaient impatiemment la messe de minuit ; non point, je dois le dire, mus par une édifiante piété, mais parce que cette cérémonie faisait sortir toutes les jolies femmes de leurs maisons et en permettait la contemplation indiscrète. Seul, un garçon de bonne mine, carabin de son état et d’ordinaire le boute-en-train des brasseries, promenait, autour de la cathédrale, une mauvaise humeur évidente. Jean Muller était amoureux. Ne voilà-t-il pas une raison pour être mélancolique ! Je voudrais bien vous y voir, vous, si celle que vous aimez vous était inexorablement rebelle ! Or, Clarisse, la belle mercière, femme authentique du sieur Yundt, s’obstinait à demeurer fidèle à son époux, et, parlant de Jean à sa première demoiselle, avait