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Contes grassouillets.

et les sens à chaque sourire. Innocente avec cela et pauvre ! Sa grand’mère et elle logeaient dans une façon de masure dont le toit jadis de chaume était chauve à fort peu près, dont les murailles autrefois de brique s’effritaient en une sale poussière rouge que traînaient les ondées comme des bavures de limaces. Les pieds boueux de cette maisonnette posaient sur un tapis de broussailles déchiquetées. Le dedans valait le dehors, et la sordide indigence y avait accroché, çà et là, à des clous branlants, ses déplorables haillons. Rarement un petit feu de bois vert et fumant égayait l’âtre engorgé de cendre, et la huche, qui n’avait plus qu’un volet, bâillait d’ennui sur un seul pot ébréché, comme la bouche d’une vieille qui s’ouvre, mélancolique, sur une seule dent. Jamais fleur n’avait resplendi dans une plus misérable caisse ; jamais oiseau n’avait chanté dans une si triste cage ; jamais étoile ne s’était levée dans un ciel aussi ténébreux. La grand’mère radotait comme une perruche. Pas de voisins compatissants. En voilà une vie pour une jeune personne de cette