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Contes grassouillets.

entière. Non, certes ce n’est pas un mal qu’un explorateur ingénieux puisse rencontrer, sans quitter la vieille Europe, des œufs pondus par de vraies poules, des canards ayant vécu dans de vraies mares, du vin fait avec du raisin, des fruits cueillis à des arbres authentiques, des produits naturels en un mot, et pour lesquels l’activité humaine n’ait pas eu la prétention de remplacer l’air et le soleil. Cet état précieux des éléments primordiaux d’une cuisine saine se paye évidemment par quelques privations. C’est en vain, par exemple, que vous réclameriez à Charançon quelqu’un de ces plats savants dont les gargotiers en renom nous empoisonnent si agréablement quelquefois. Pas de coulis onctueux ! Pas de sauces incendiaires ! Aucun des raffinements vénéneux mais exquis qui permettent à un simple morceau de saucisse de se faire payer six francs. Pour vous donner une idée de l’innocence gastronomique de ces braves Charançonnais, l’usage des glaces et des sorbets, entre l’entremets sucré de rigueur et le dessert nécessaire, leur était inconnu, il y a encore un mois.