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APPORT DES IMPRESSIONNISTES

précise et scientifique. Selon le mot charmant de l’un d’eux, « ils peignent comme l’oiseau chante ».

En cela, ils ne sont pas les continuateurs de Delacroix qui attachait, nous l’avons établi, tant d’importance à la possession d’une technique permettant d’appliquer, à coup sur, les lois qui gouvernent la couleur et en règlent l’harmonie.

S’ils connaissent ces lois, les impressionnistes ne les appliquent pas méthodiquement. Dans leurs toiles, tel contraste sera observé et tel autre omis ; une réaction sera juste, une autre douteuse. Un exemple montrera combien peut être décevante la sensation sans contrôle. Voici l’impressionniste en train de peindre sur nature un paysage ; il a devant soi de l’herbe ou des feuilles vertes dont telles parties sont dans le soleil, telles autres dans l’ombre. Dans le vert des régions d’ombre les plus voisines des espaces de lumière, l’œil scrutateur du peintre éprouve une fugitive sensation de rouge. Satisfait d’avoir perçu cette coloration, l’impressionniste s’empresse déposer une touche rouge sur sa toile. Mais, dans la hâte de fixer sa sensation, il n’a guère le temps de contrôler l’exactitude de ce rouge, qui, un peu au hasard du coup de brosse, sera exprimé en un orangé, un vermillon, une laque,… un violet même. Cependant,

    disque en rotation ou, au recul, sur la toile du peintre, l’œil n’isolera ni les segments colorés ni les touches : il ne percevra que la résultante de leurs lumières, — en d’autres termes, le mélange optique des couleurs des segments, le mélange optique des couleurs des touches.