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fondées par la volonté nationale avant toute constitution ; elles en forment le premier degré. Les secondes doivent être établies par une volonté représentative spéciale. Ainsi toutes les parties du gouvernement se répondent et dépendent en dernière analyse de la nation. Nous n’offrons ici qu’une idée fugitive, mais elle est exacte.

On conçoit facilement ensuite comment les lois proprement dites, celles qui protègent les citoyens et décident de l’intérêt commun, sont l’ouvrage du corps législatif formé et se mouvant d’après ses conditions constitutives. Quoique nous ne présentions ces dernières lois qu’en seconde ligne, elles sont néanmoins les plus importantes, elles sont la fin dont les lois constitutionnelles ne sont que les moyens. On peut les diviser en deux parties ; les lois immédiates ou protectrices, et les lois médiates ou directrices. Ce n’est pas ici le lieu de donner plus de développement à cette analyse.

Nous avons vu naître la constitution dans la seconde époque. Il est clair qu’elle n’est relative qu’au gouvernement. Il serait ridicule de supposer la nation liée elle-même par les formalités ou par la constitution auxquelles elle a assujetti ses mandataires. S’il lui avait fallu attendre, pour devenir une nation, une manière d’être positive, elle n’aurait jamais été. La nation se forme par le seul droit naturel. Le gouvernement, au contraire, ne peut appartenir qu’au droit positif. La nation est tout ce qu’elle peut être, par cela seul qu’elle est. Il ne dépend point de sa volonté de s’attribuer plus de droits qu’elle n’en a à sa première époque, elle a tous ceux d’une nation. À la seconde époque, elle les exerce ; à la troisième elle en fait exercer par ses représentants tout ce qui est nécessaire pour la conservation et le bon ordre de la communauté. Si l’on sort de cette suite d’idées simples, on ne peut que tomber d’absurdités en absurdités. Le gouvernement n’exerce un pouvoir réel qu’autant qu’il est constitutionnel ; il n’est légal qu’autant qu’il est fidèle aux lois qui lui ont et imposées. La volonté nationale, au contraire, n’a besoin que de sa réalité pour être toujours légale, elle est l’origine de toute légalité. Non seulement la nation n’est pas soumise à une constitution, mais elle ne peut pas l’être, mais elle ne doit pas l’être, ce qui équivaut encore à dire qu’elle ne l’est pas.